La Salamandre – Vision nocturne et métamorphose

Publié le 24 novembre 2022 - Permaculture

Pour moi, la salamandre, c’est comme la quête du Saint Graal

Quand on la trouve dans son jardin, ça procure une joie immense. Et on a envie de la montrer à tout le monde. Et en même temps, on a conscience qu’il vaut mieux la protéger des regards, pour la préserver. Car elle se fait de plus en plus rare dans nos jardins urbains.

Les salamandres ont une espérance de vie moyenne de 9 ans, elles peuvent vivre jusqu’à plus de 20 ans. les salamandres sont totalement inoffensives, toutefois leur peau secrète un venin qui peut irriter les yeux lors du contact. La salamandre est un animal nocturne ou crépusculaire, qui vit à proximité des sources, des ruisseaux, des lacs, etc. Elle vit la nuit, grâce à ses grands yeux noirs, parfaitement adaptés à la vision nocturne. Elle hiberne, entre octobre et février environ. L’hibernation a lieu essentiellement sous terre, dans des puits, des galeries souterraines de mammifères, des anciens tunnels miniers ; il est même possible de trouver une salamandre dans votre cave. Les salamandres adultes se nourrissent essentiellement de petits invertébrés, comme les cloportes, des coléoptères, ou quelques espèces de limaces.

la salamandre est un animal pour le moins spectaculaire, qui, malgré son rythme biologique l’amenant à passer inaperçu des hommes la plus grande partie du temps, est partout connue des populations rurales qui partagent son environnement.

C’est une espèce protégée.

La maintenance d’une salamandre indigène en captivité est interdite en France et en Europe ! Europe : Annexe de la Directive Européenne Habitats (CEE 92/43)France : Loi de 1976 – Espèce protégée par la loi française de 1976 (Liste rouge française Mammifères Reptiles Amphibiens – A Surveiller)

De l’eau à la terre

La salamandre est un animal ovovivipare, ce qui veut dire que l’incubation des œufs se fait dans les voies génitales femelles, au printemps. La naissance a lieu généralement après l’hibernation, en mars. La femelle libère dans l’eau, des larves bien développées. Elles naissent dans un milieu aquatique où l’eau est peu profonde. Elles ressemblent à des petits tritons avec  4 membres, et possèdent au départ de leur vie une respiration branchiale, ainsi qu’une nageoire caudale. Elles sont facilement reconnaissables grâce à leur couleur jaune au niveau des pattes.

Petit à petit la métamorphose va se faire, les pattes et les poumons vont se développer, et les larves vont se préparer pour sortir de l’eau et avoir une vie terrestre. La métamorphose dure de 2 à 6 mois, selon les régions et parfois plus en montagne. Une fois sortie de l’eau, la salamandre n’y retourne que pour donner naissance à ses petits.

Un dragon venimeux ?

Elle fait partie du règne des amphibiens. Ces animaux étranges, tout droits sortis des anciens temps, qui alternent entre une vie aquatique et une vie terrestre. Ce sont des animaux insectivores. Ombrophiles voire nocturnes, les adultes chassent leurs proies à l’affût dans les habitats humides qu’ils affectionnent (humus, grottes, bois mort, etc.).

Bien qu’elle soit relativement inoffensive, elle a été désignée de façon négative dans différentes régions ; Son aspect d’animal préhistorique, noir, proche du dragon, lui ont donné une mauvaise réputation. C’est le cas par exemple de la légende auvergnate faisant de cet inoffensif batracien un dangereux « cracheurs » de venin mortel pour le bétail. S’il est vrai que la salamandre adulte est en mesure de secréter par sa peau des neurotoxines stéroïdes alcaloïdes celles ci ne sont pas réellement dangereuses qu’en cas de consommation de l’animal.

oïl djabl « diable » (Nesi, 2001 : 497), limousin (roman) essouble « souffleur, cracheur (de venin) » (Béronie & Anne Vialle, 1824) ; normand (roman) mouron « souci, problème » (Termite, 2019) ; poitevin (roman) scorpion (Mauduyt, 1825) ; wallon (roman) rogne « gale » (Boutier, 2008) ; auvergnat (roman) enflebœuf (Boujot, 2001) ; basque (vasconique) arrobio cognat de erensuge « dragon » (Orpustan, 2006 : 14).

Grâce aux glandes derrière ses yeux et sur son dos, entourées de petits muscles, elle produit des toxines qu’elle projette sur ses prédateurs. Les oiseaux qui l’ingurgitent sont souvent contraints de la régurgiter sous l’effet douloureux du venin. Les autres prédateurs prennent vite leurs distances, eux aussi, lorsqu’ils sont touchés par ce jet toxique ou tout simplement en contact avec le mucus urticant dont son corps est enduit.

Les gardiennes du Feu

Les représentations romanes du batracien ainsi : « La salamandre qui résiste au feu, venimeuse, symbole d’ambiguïté, reliée à la pluie, être magique qui vit dans les bois, peuple le fantastique, le négatif, en dépit de sa condition d’animal inoffensif et joli ».

Au Moyen Âge, on attribuait à cet animal la faculté de vivre dans le feu,

Animal symbolisant l’ardeur amoureuse figurant dans de nombreux blasons et pris comme emblème par François Ier. Il avait pris comme devise : Nutrio et extinguo, j’y vis et je l’éteins. Les trois cents représentations sur les plafonds et les murs du château de Chambord témoignent de cette fascination. On prêtait à cet amphibien capable de vivre sur terre et dans l’eau des pouvoirs surnaturels, comme la faculté de résister aux flammes. Il fascinait donc pour sa capacité supposée de maîtriser tous les éléments.

A l’inverse, on lui attribuait aussi le pouvoir d’éteindre le feu, par son exceptionnelle froideur. Chez les Égyptiens, la salamandre était un hiéroglyphe de l’homme mort de froid.

Pour les alchimistes, elle est le symbole de la pierre fixée au rouge… ils ont donné son nom à leur soufre incombustible. La salamandre qui se nourrit du feu et le phénix qui renaît de ses cendres sont les deux symboles les plus communs de ce soufre. *

En Europe méridionale, le mythe très largement répandu d’incombustibilité de la salamandre pourrait trouver son origine dans de véritables observations biologiques : parmi celles ci, une réelle capacité de survivre un peu plus longtemps que d’autres animaux, à l’immolation par le feu, en raison encore une fois de secrétions qu’elle produit par sa peau (Sigeaud de La Fond, 1802 : 231). Nesi (2001 : 468) ***

À certaine de ces légendes ouest-européennes dépeignant la salamandre comme une créature surnaturelle redoutée et plutôt repoussante, s’opposent les croyances nord-africaines

Une fille de l’eau, tombée du ciel

L’éthymologie vient du grec, de l’arabe – origine du nom latin et scientifique salamandra, qui est un emprunt au grec σαλαμάνδρα, lequel correspond lui même à une composition conservée du substrat vasconique (Hickey, 2010 : 890) : *salam(a) « eau » + and(e)ra « fille »

Pourtant, La salamandre ne sachant pas nager, elle doit s’adapter aux niveaux d’eau changeants pour éviter de se noyer. Ce nom la rattache à ses habitats de prédilection que sont les forêts, l’eau. Elle apparaît souvent après la pluie et les orages.

Au Maroc, dans la région de Fès, je me rappelle l’avoir vue sur les murs de l’appartement, au 1er étage. Elle avait généré un vent de panique chez les femmes, qui voulaient à tout prix la chasser. Elles m’ont dit qu’elle était poison.Qu’elle aimait se cacher dans les pots de réserves alimentaires de la maison. Et qu’il fallait tout jeter, car cela était dangereux. Je la regardais avec joie, se déplacer sur le mur. Collée à la paroi avec ses pattes en forme de ventouses. Magnifique lézard noir, aux tâches jaunes. Je lui envoyais secrètement toute mon énergie pour qu’elle puisse sortir de la maison, et échapper à son sort, d’être écrasée par la babouche de Fatima.

Le symbole d’une culture berbère unifiée du Xe s

Cette distribution en bloc redondante de la composition « pied / tombé du ciel » est très intéressante d’un point de vue dialectologique, puisqu’elle pourrait indiquer ici des phénomènes de contact anciens, voire l’origine commune de certaines populations. La Kabylie des Babors est en effet connue pour être le berceau de la dynastie berbère Koutama, connue pour peupler la région dès l’Antiquité, et célèbre pour ses faits d’armes à l’âge d’or du Califat Fatimides. La confédération Kétama du Rif marocain correspond possiblement aux descendants de guerriers Koutamas installés dans la région après la conquête de celle ci entre le xe et le xie siècle (Kitouni, 2013). La conservation d’un même nom berbère « pied / tombé du ciel » pour la salamandre chez des Kétamas algériens et marocain, berbérophones comme arabophones, pourrait être un indice concernant les liens historiques entre ces différents groupes.

C’est un motif que l’on retrouve dessiné sur les poteries et sur les bijoux : un type de bijoux kabyle tisemsemt ggwaman « collier d’eau », arabe jijélien méridional qerṭāt əl jənna « boucle d’oreille du paradis ».

La salamandre et l’automne

Tout le monde s’accorde pour dire qu’elle indique le moment à partir duquel il convient de commencer le labour en automne :

  • Vallée de la Soummam (Aït Ouasif) : « Les paysans savent reconnaître les premières pluies annonciatrices de l’automne dont ils disent : les premières pluies d’automne amollissent le sol et facilitent le labour, quant à la salamandre elle vient leur ajouter de la beauté, car elle sort obligatoirement durant ces pluies. »
  • Massif du Djurdjura (Aït Zmenzer)  « Les paysans ne commencent pas le labour durant la saison automnal avant que la salamandre n’apparaisse (ne sorte de terre), ils voient alors que c’est le bon moment, que la terre est suffisamment tendre pour être labourée. »
  • Massif des Babors : « Les laboureurs attendent qu’elle (la salamandre) sorte de terre afin de commencer à labourer. »

Signe de bon ou de mauvais augure pour les récoltes

  • Massif du Djurdjura : « Lorsque la salamandre sort (apparaît) en automne, on sait qu’à cet endroit on fera une bonne récolte, le travail agricole portera ses fruits. »
    « Lorsque la salamandre pointe sa tête vers La Mecque (vers l’est), l’année sera bonne, elle portera ses fruits (une bonne récolte), tandis que si elle pointe vers là où le soleil se couche (vers l’ouest), il n’y aura rien de bon l’année en question. »

Plus qu’une croyance, cette pratique agricole est fondée sur les savoirs des cultivateurs, et l’association faite entre l’apparition de cohorte de salamandre et le climat / la pluviométrie / le changement de saison. Véritable indicateur du paysan, et porte bonheur de la potière, la salamandre joue véritablement dans ses sociétés un rôle symbolique exceptionnel incarné par des pratiques et des croyances réelles qui perdurent de nos jours. **

Pouvoir de régénération

Parmi les vertébrés, c’est à elle que revient la palme de la régénération : elle peut réparer entièrement ou en partie un membre ou un organe : patte, queue, œil, cerveau, cœur… Elle arrive à faire repousser peau, muscles, os et nerfs. Ses prodigieuses vertus régénératrices font aujourd’hui l’objet de recherches scientifiques très pointues.

C’est grâce à un mécanisme biochimique que des scientifiques de l’University College de Londres ont appelé ERK (Extracellular signal-regulated kinases). Dans cette étude menée par Maximia Yun, Philip Gates et Jeremy Brockes, (« Sustained ERK activation underlies reprogramming in regeneration-competent salamander celles and distinguishes tehm from their mammalian counterparts », Stem Cell Reports, 8 juillet 2014), il s’agit en fait de protéines codées par les gènes de la salamandre qui jouent un rôle décisif dans la division et la prolifération cellulaire. Ces chercheurs britanniques ont donc mis en évidence que cete protéine spécifique ERK détermine si une cellule adulte est capable d’être reprogrammée et d’aider au processus de régénération.***

Une autre caractéristique la distingue aussi des autres vertébrés : la présence d’un algue photosynthétique à l’intérieur de ses cellules. Dans l’état actuel de nos connaissances, une telle symbiose entre le végétal et l’animal est unique en son genre.

Annonce de changement, de métamorphose, et de régénération

L’apparition d’une salamandre annonce une période de changement, dont les sources sont extérieures à vous. Cet animal est un élément incandescent qui vagabonde entre terre et eau, et ceux qui l’ont pour totem mènent souvent une double vie. La salamandre est le gardien des rêves, et sa capacité à vivre dans l’eau et sur terre montre que le rêve peut être à la fois lucide et relié aux mystères terrestres. La salamandre peut se cacher face au danger. Talisman magique, elle apporte du réconfort dans le noir. David Carson, auteur de Communiquer avec les animaux totems, puisez dans les qualités animales une aide et une inspiration au quotidien

Lorsque la Salamandre apparaît, cela veut dire qu’un changement s’annonce. Ce sera probablement un changement majeur dans votre vie, qui va créer de nouvelles opportunités et une avancée. Mais, d’ordinaire, ce changement résulte de la perte de quelque chose que l’on subit avant de voir l’opportunité qui s’offre. C’est la porte qui se ferme avant que la fenêtre s’ouvre. C’est lâcher quelque chose qui vous retenait pour qu’une occasion nouvelle se présente. Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique ****

Sources d’inspiration : https://www.cnrtl.fr/definition/salamandre * – https://journals.openedition.org/geolinguistique/5980 ** – À propos des dénominations de la salamandre d’Afrique du Nord : motivations, contact de langues et approche ethnobiologique – Massinissa Garaoun – Luminessens.org **** – Hugues Demeude, dans Les Incroyables Pouvoirs de la Nature ***