Quand j’étais enfant, avant que mes parents investissent dans un camping car, ils avaient pour habitude de nous emmener dans des gîtes ruraux ; Des maisons en pleine campagne, nous offrant de nouveaux paysages, et une vie en plein air. D’aussi loin que remontent mes souvenirs, il y avait dans cette maison, un vieux métier à tisser en bois. J’étais émerveillée et impressionnée par l’objet. J’imaginais les navettes de fil faire des allers et venues ; j’imaginais les motifs se révéler progressivement. Tapis persans, tapis d’orient, tapis berbères … des motifs du monde entier se bousculaient dans mon esprit. Sans oublier les heures de travail et de patience, assise devant cette machine, jouant des mains et des pieds, pour tisser.
La façon dont les fils de chaîne et de trame s’entrecroisent les uns avec les autres est appelé l’armure. La majorité des produits tissés sont créés avec l’une des trois armures de base : toile, satin ou sergé. La toile tissée peut être unie (en une seule couleur ou un motif simple), ou peut être tissée avec des motifs décoratifs ou artistiques. *
Mes yeux d’enfants se souviennent d’une ambiance feutrée, et d’odeur de feu de cheminée. Ce n’était pas sans me rappeler, les heures d’été à la Geltière, dans la maison familiale, ou les femmes s’installaient en rond dans le jardin, pour tricoter. Point à l’envers, point à l’endroit, point de croix, point jacquart pour les plus hardies. Tout cela sous l’oeil attentif de ma grand-mère qui rattrapait les mailles sautées, les points perdus, et enseignait ses savoirs faire aux filles de la maison. Nous arborions tous fièrement nos pullovers, tricotés avec amour. Classés dans la catégorie des pulls moches aujourd’hui, ils faisaient notre fierté dans les années 80 ;
Tisser des liens, c’est mettre en relation des profils, des intérêts, des personnalités différentes, pour favoriser des objectifs individuels ou collectifs. C’est ce qu’on appelle le réseau. Tisser des liens permet aux individus de se sentir plus solides, plus « armés » et protégés pour sortir de leur zone de confort, et apprendre de nouvelles manières d’être et de savoir faire. C’est comme une grande toile d’araignée.
Les araignées tisseuse forment des toiles d’une grande beauté et complexité dans les zones où le vent et la brise sont faibles bien protégée des intempéries afin d’attraper des insectes, pour les dévorer et s’en nourrir. Malgré leur fragilité apparente c’est toiles sont très résistantes, mis à l’échelle il est dit qu’une toile d’araignée pourrait arrêter un Boeing-747 en plein vol. Les toiles créées par les araignées tisseuses sont habituellement de forme circulaire et on les retrouve le plus souvent dans les buissons. Ces araignées ont tendance à être un peu plus délicates que leurs coreligionnaires, elles ont de longues jambes, et le plus souvent elles sont immobiles sur leurs toiles pendant des heures attendant leur proie.**
Il ne s’agit pas pour nous, d’attendre notre proie pour la manger tout cru. Imaginons plutôt cette toile comme un tapis de sol pour des voltigeurs. « Ensemble on va plus loin » – Une protection pour l’individu, lui permettant d’être en sécurité, pour se développer !
Cette toile est destinée à prendre soin de l’individu, et de l’espace qu’il occupe. Cette toile peut être une carte d’identité des manières de faire, d’agir et d’être. C’est ce que j’ai trouvé en rejoignant les réseaux de l’économie sociale et solidaire, le réseau de la coopérative d’activité. Des groupements humains tissant leur toile, et définissant ensemble leur identité. Issue du travail social et de la sociologie, j’ai appris les codes, le langage, le comportement. En quelque sorte, les us et coutumes des nouveaux hôtes que j’ai choisi, et qui m’ont accepté. Parce qu’ils me ressemblent, et que nos parcours de vie nous réunissent.
Il faut cependant, rester vigilant à ce que les toiles n’enferment pas les individus dans ce territoire spécifique, et qu’ils ne puissent plus accueillir d’autres toiles dans leur paysage, ou être accueillis par d’autres. La diversité doit avoir sa place dans les réseaux, quels qu’ils soient. Et l’expérience nous montre qu’elle ne va pas de soi. Que cela nécessite une intention particulière, un effort, pour aller vers ceux qui sont différents, qui sont éloignés, qui n’ont pas les codes, qui sont fragilisés. A nous de leur montrer la nature des liens, qui relient, et qui unissent. A nous de comprendre, la nature de leur lien, et de ceux qui les unissent et les relient. A nous de créer notre gloubiboulga (référence à la recette de Casimir, émission pour les enfants des années 80) ! Sans avoir la volonté d’attacher, de nouer, ou de serrer la toile. Mais en ayant cette attention, à apporter de la souplesse, de la liberté, pour former une toile vertueuse et inclusive.
C’est l’idée du patchwork, ou tous les bouts de toile s’assemblent pour former une unité. Cela semble peut être moins harmonieux et homogène. C’est ce qui fait sa richesse ! Une toile universelle, impliquant la diversité et l’hétérogénéité. Qui tisse des liens au delà des communautés et des territoires. Alors, prêts à tisser de nouveaux lien !? …
Source d’inspiration : * wikipedia – ** https://abasprixextermination.com/articles-infestations/araignees-rares-fascinantes –