Pour se permettre d’être vulnérable, il faut se sentir en sécurité
Sans sécurité, la vulnérabilité nous conduit droit à la mort.
Il suffit de voir ces bébés tortues, tout juste sorties de leur œuf. Elles regagnent l’océan en toute hâte, car instinctivement, elles savent qu’elles sont à la merci des goëlands et autres prédateurs. Comme les petites grenouilles nées sur les berges, qui sautillent sur la terre ferme pour regagner la mare. Et qui savent que la buse, l’héron ou le hibou les guettent. Leur grand nombre assure leur survie. Et celles qui ont échappé aux prédateurs, ont fait l’expérience de leur grande vulnérabilité.
Par instinct de survie, l’homme s’est armé d’un bouclier.
Certains humains, dans des circonstances de guerre, d’exil, de famines, de traumatismes familiaux, ont développé des mécanismes de défense face à l’agression, ou à la prédation. La femme, reliée à ses cycles, à la maternité, s’est adaptée à ces phases de fragilité. Mais qu’en est il pour l’homme ? Il a appris très tôt, le besoin de défendre les autres, de les protéger. Il s’est armé d’un bouclier protecteur, d’un glaive défenseur, et d’un caractère sacrificiel. Il a ravalé ses larmes, étouffé ses émotions, caché sa vulnérabilité. Car quand il devient vulnérable dans un milieu hostile, il se fait « manger tout cru », et ne peut plus protéger les siens !
Face au traumatisme, son moteur devient la peur, et son carburant la dépendance.
Peur de perdre, peur de ne plus être aimé, peur d’être abandonné. Il a même peur de son ombre ! A l’image de Lucky Lucke qui tire plus vite que son ombre, l’homme a choisi de tuer, avant d’être tué. Quand l’être humain, masculin comme féminin, subit un traumatisme, et ne l’exprime pas, cela a pour conséquence d’imprimer en soi, la peur que cela a généré. Il formate son disque dur, autour d’une erreur, d’un fake, ou d’un cheval de troie qui n’y avait pas sa place. Pour ne pas faire face, pour combler le vide, il se rend dépendant : de la nourriture, du sport, de l’autre, du jeu, de l’argent, des drogues, du sexe. Cela peut aller jusqu’à l’autodestruction : le suicide, la toxicomanie, la violence, les maladies auto-immune, le cancer. Le mécanisme de base est le même pour tous. L’estime de soi, sa valeur, a été niée au profit de substances extérieures, d’autres personnes. Ces dépendances lui permettent de ne pas regarder le mal-être profond, le besoin d’amour, et de sécurité.
« Trouvez ce dont une personne a le plus peur et vous saurez de quoi sera faite la prochaine étape de sa croissance. » Carl Gustav Jung
Gabor Mate, médecin à Vancouver, nous enseigne la sagesse du traumatisme. Il affirme que
« Notre travail d’être humain, est d’apprendre de nos souffrances, afin de ne pas perpétuer la douleur qui en découle, pour nous mêmes, et pour les autres. Nos empreintes traumatiques ne doivent pas nous définir, et nous pouvons les surmonter. Le traumatisme est porté comme un fardeau. Ce n’est pas le mal qui nous arrive, qui laisse des traces. C’et plutôt ce qui se passe à l’intérieur de nous, à la suite de ce qui est arrivé. C’est la déconnexion de soi, de ses émotions, qui enferme l’enfant dans dans la survie, et l’hypervigilance. »
Reconnaitre le traumatisme pour favoriser l’émergence du Soi
Considérer le traumatisme, le laisser s’exprimer, identifier les dégâts qu’il a causé en nous, les mécanismes de défense et de protection. Cela permet progressivement de réactualiser « notre disque dur interne », en vidant la corbeille de ses déchets, de ses mauvaises mémoires. De laisser de nouvelles places pour l’émergence du vrai moi en Soi. De l’humain authentique dans sa lumière, dans sa compréhension du monde, dans ses valeurs, dans sa capacité à agir pour lui même et pour les autres.
Dans sa vulnérabilité, le bébé a 2 besoins fondamentaux :
L’attachement – il passe par les bras de ses parents, l’attention de ses besoins, le toucher.
L’authenticité – lien avec soi même, avec ses instincts (pour survivre dans la nature)
Gabor Mate va plus loin dans sa démonstration. Il constate que « notre société est traumatique et que l’un des signes majeurs est la destruction de la terre, notre séparation de la nature, pour assouvir nos dépendances. Il considère que la médecine a séparé le corps et l’esprit, et ne traite pas des besoins émotions et spirituels de l’être humain. L’augmentation des maladies mentales, des maladies auto immunes, des cancers, sont des réponses normales à des circonstances anormales. Le système immunitaire créé pour vous protéger, se retourne contre vous. La division cellulaire devient incontrôlable dans le cancer. »
Une guérison de la communauté
Il a finalement abandonné le chemin classique de la médecine, pour développer une thérapie de la compassion. Il met en place des groupes de paroles pour faire émerger la vérité en chacun de nous, et retrouver le chemin de la guérison. Il va à la rencontre des sdf, des toxicomanes, et leur apporte de l’écoute, des soins, de l’amour. Va dans les prisons, pour faire prendre conscience des sources de la violence, et des risques de sa répétition, si la compassion ne s’installe pas en soi. Il fait parler les signes visibles du corps, pour comprendre ce qui a formaté la mâchoire à rester serrée par exemple. Et découvrir le lien à une colère refoulée, non exprimée dans la petite enfance, et qui gangrène les relations de la personne avec les autres, et avec elle même. Il offre un cadre thérapeutique de sécurité, permettant à la personne de mettre à nu sa vulnérabilité. Pour certains, il accompagne une thérapie par les psychédéliques tellement l’inconscient est enfoui au plus profond de l’être. Il passe du nébuleux, de la culpabilité, de la colère refoulée, à l’expression des émotions, l’authenticité, l’attachement. A partir de là, il devient possible de passer à l’action, de desserrer les poings, de dénouer les pelotes de fil, et d’activer un processus dynamique d’amour pour soi même et pour les autres. Dans ces circonstances, la vulnérabilité devient une force pour devenir un ETRE authentique et en sécurité
Sources d’inspiration : la sagesse du traumatisme, Gabor Mate