Le QI : harmoniser son diapason pour onduler dans le monde

Publié le 30 mars 2021 - Carnet d'humeur

Se mettre au diapason, c’est une manière d’ouvrir, et de laisser ses perceptions, cueillir le monde.

Le Dr Liu Dong, maitre de Qi qong en France, s’exprime sur sa définition du QI
« le Qi n’est pas une sorte d’énergie solaire qu’il s’agirait de capter. Le but d’une pratique n’est pas
d’apporter un carburant, mais de communiquer avec le cosmos pour produire de la joie « . Cette vision fait écho à la mienne : je nous perçois comme une sorte de diapason qu’il faudrait réharmoniser avec régularité afin de ne pas perdre notre fréquence fondamentale, entre terre et ciel.
Odile Chabrillac


Cette idée de diapason résonne en moi. Quand je pratiquais la guitare, le chant, la flute à bec, je devais éduquer mes oreilles à l’harmonie. Accorder chaque corde de ma guitare à la bonne vibration était essentielle pour profiter d’une mélodie, ou d’un accord parfait. Sinon, je percevais une dissonance désagréable : cela devenait inconfortable physiquement, inaudible, et générait du rejet, une fermeture. Se mettre au diapason, c’est une manière d’ouvrir, et de laisser ses perceptions, cueillir le monde. Nos histoires de vie peuvent avoir été traversées par des dissonances plus ou moins profondes. Si nous restons à l’écoute de nos corps et de nos intuitions, nous permettons à nos corps, de re-trouver de l’harmonie, et de l’apaisement. Il est parfois difficile de changer de paradigme seul, d’où la nécessité de passer par l’accompagnement, l’apprentissage de nouveaux outils pour y parvenir. Pour
réussir à accorder chaque corde de ma guitare, entendre l’harmonie, j’ai dû faire preuve de patience, répéter les gestes, et transformer mon écoute. Je réalise que ces bases solides m’ont été transmises par mon éducation, et par des parents conscients de ces besoins d’équilibre.


Depuis que je suis enfant, mes parents ont toujours eu à cœur de nous connecter à la beauté du monde. Par un lien fort à la nature, à la contemplation, à la lecture, et à la musique. Ils pratiquaient à leur manière, ce subtil équilibre décrit dans la médecine chinoise, et ayurvédique. Ils rechargeaient leur énergie vitale au contact de la terre, de l’air, de l’eau, de la lumière, de la beauté, du partage, du sommeil. C’était certainement pour ma mère, un moyen d’exorciser ses démons intérieurs, de calmer ses peurs existentielles, et ses frustrations. N’oublions pas que l’après 68 a causé le chamboulement d’un tas de repères, ou de cadres rigides, pour toute une partie de la jeunesse. Mère au foyer, à 20ans, en 1971, dans un mouvement général d’expansion, de renouveau, amenait un paradoxe certainement difficile à vivre. Elle qui a toujours dit ne pas avoir eu de racines, par des déménagements trop fréquents, et une scolarité en internat dés l’age de 12ans. Elle a du apprendre à s’adapter, à se rééquilibrer, à s’inventer. Déterminée, elle a repris des études, et est devenue bibliothécaire à l’université, secteur, sociologie.

L’art magnifiait le monde ouvrier !

Pour mon père, ouvrier chaudronnier dans les chantiers de Dubigeon, le boulot n’était pas facile non plus. Militant syndical, il revendiquait la reconnaissance de métiers pénibles, souvent sources d’accidents de travail, et d’inégalités sociales. Mes souvenirs d’enfance étaient aussi dans les manif, dans les cafés, ou les ouvriers se réconfortaient autour d’une bon verre, dans un nuage de fumée de gitane maïs, rêvant d’un monde plus juste, plus équitable, ou chacun aurait sa place. Image un peu d’épinal, amenant tout son lot de souffrance autour de l’alcool et des dépendances. A la maison, cela passait pas l’écoute des textes de Léo Ferré, de Brassens, de Brel, de Piaf, de Greco, de Ferrat. Par la lecture de poésie, dont l’intégralité des poèmes d’Aragon. Par la photographie des reproductions de Picasso… L’art magnifiait le monde ouvrier !


Je me rappelle d’universités populaires au Camping du Grand-Corseau ; sur ce lieu de vacances
accessibles à tous, des débats s’organisaient sur des débats de société, des spectacles de Théatre très engagés avec des troupes comme la Chimère (Hennebont), des cinés débat, des chanteurs à texte. Sur fond syndical, les universités populaires, donnaient la parole à cette classe populaire urbaine, anticapitaliste et libérale. Mon père a gravi les échelons par des formations continues, pour devenir comptable, et directeur d’une association de tourisme social. Quand je regarde aujourd’hui, la sociocratie, l’université du Nous, les Colibris, j’ai le sentiment que c’est à la croisée des chemins de ce que nous vivions à cette époque là. Ce n’est plus un regroupement de classe sociale, mais plutot une affinité avec la terre, et avec un mode de partage et de gouvernance plus juste. C’était sur fond de combat, de militantisme, de revendications, d’affrontement, que s’obtenaient les droits sociaux. Des bras de fer, nécessitant force physique et intellectuelle, pour ne pas être piétinés.

La musique source de Qi, et de rayonnement du Shen

Toute cette quête d’identité, de reconnaissance, leur demandait de mobiliser une énergie de « combat », d’action. En médecine chinoise, on parle du principe Yang, qui exprime la vitalité, l’extériorisation. Je n’ai jamais vu mes parents méditer, faire du yoga, du taichi, ou de la relaxation. Mais je les ai vu danser sur des rythmes endiablés, marcher, faire du vélo. Ils nourrissaient l’énergie du principe Yin par des échappées salutaires : dans le jardinage dans la maison familiale de Pornic, l’oxygénation dans le parc du Corbusier, la marche en montagne, le voyage en camping car. Ces pauses offraient des temps de silence, plus de solitude et de possibilité de retour à soi. Au quotidien, la musique, la danse, le sommeil, la lecture, étaient des moyens d’harmonisation de nos énergies. Absorber, recevoir, densifier l’énergie, pour être touché, inspiré. Les chants grégoriens, la musique baroque, emplissaient l’espace familial, en alternance avec les chanteurs français, algériens, argentins, portugais…. C’était le QI, l’inspiration, la vibration des minorités, exprimant leur Shen, le rayonnement de leur cœur.

Sources d’inspiration : les bases de la médecine chinoise, Floramedicina – Odile Chabrillac, âme de sorcière –