Habiter son territoire avec le noyer et l’achillée

Publié le 9 mai 2022 - Carnet d'humeur, Paroles de plantes

HABITER c’est prendre sa place dans son territoire intérieur et extérieur. C’est avoir conscience de son identité, et avoir confiance. C’est s’estimer suffisamment pour faire respecter sa place, et éloigner les intrus. C’est avoir confiance, oser, et rayonner.

Comme chaque matin, la chatte de la maison nommée Plume, miaule pour que je lui ouvre la porte de la maison. Ce qu’elle veut, c’est pouvoir sentir les urines du chat du voisin, qui vient chaque nuit marquer le territoire de sa présence. Elle est de nature peureuse, et se réfugie au moindre pas des humains dans notre cocon familial. Mais aujourd’hui, la scène est inhabituelle ! Je la vois rebrousser chemin, alors qu’un oiseau lui piaille dessus, de tout son gosier. J’observe le tout petit oiseau qui virevolte de droite à gauche, et semble protéger un espace. Je découvre sous le préau, un nid d’hirondelle astucieusement bâti, et j’entends des oisillons piaillier. Ce passereau, minuscule, avec un long bec, la queue relevée semble être un troglodyte. Sa manière de marquer son territoire, est d’occuper un nid d’hirondelle abandonné, et d’y nicher avec sa famille. Vu sa petitesse, il pousse un chant strident pour faire fuir ses ennemis potentiels. C’est réussi ! Ses mécanismes de défense sont puissants pour prendre sa place, mettre à distance et protéger son territoire.

A l’image de cette nature, l’être humain est lui aussi toujours en quête identitaire, dans ses relations interpersonnelles. Il cherche à être vu, reconnu, aimé. Il affirme sa place dans sa famille, à l’école, au travail, avec ses amis, avec ses ennemis. Il s’active, dépense de l’énergie pour montrer que sa place est légitime. Il défend les biens acquis, et marque son territoire de frontières. Il argumente, construit une posture, ou « aboie », mord et griffe. Il se protège d’agressions extérieures, de façon plus ou moins marquée, suivant la taille de ses cicatrices et des blessures du passé. De ce point de vue, pas d’égalité ! Certaines familles, certaines lignées, certaines classes sociales ou cultures, ont intériorisés les codes des dominés, ou des dominants. Sa manière de communiquer lui permet de confirmer son identité, d’être reconnu. Il a besoin de vivre en sécurité, et dans la protection de lui même et de ses proches.

Constatation fort bien résumée par les chercheurs de l’école de Palo Alto : « Aussi étonnant qu’il paraisse, si elle n’avait ce pouvoir de confirmer un être dans son identité, la communication humaine n’aurait guère débordé les frontières très limitées des échanges indispensables à la protection et à la survie de l’être humain […]. Il semble bien que, indépendamment du pur et simpleéchange d’informations, l’homme a besoin de communiquer avec autrui pour parvenir à la conscience de lui-même » (Watzlawick et coll., 1967, p. 84).Cette quête de reconnaissance peut s’effectuer dans la réciprocité, l’échange et le respect mutuel, mais elle peut aussi s’inscrire dans la lutte, le conflit et la violence.

Je me suis demandée quelle plante pourrait répondre à ces besoins de protection et de sécurité ? Quelle plante permettrait à chacun d’affirmer et d’habiter sa place dans le respect de l’autre ?

Le noyer, juglans reggia.

C’est un arbre qui marque son territoire, par son besoin d’espace et de lumière. Il s’auto-suffit, ne dépend de personne. Il met à distance tout ce qui pourrait être toxique pour lui, en développant lui même une toxicité. Il empêche les autres de respirer ! Il se défend des attaques des concurrents, et prend sa place, par une grande confiance en lui. A sa base, rien ne pousse. Ses racines produisent une substance toxique, la juglone, qui asphyxie les plantes qui y sont sensibles.

Son macérat de bourgeon incarne le territoire, les défenses naturelles de l’homme et les barrières naturelles – Peau, muqueuses et séreuses . Par le biais du renforcement intestinal *

Il peut être recommandé de faire des cures de gemmothérapie (bourgeon de noyer) dans les cas de maladies de peau, de problèmes intestinaux, de parasitoses. Des signes d’un envahissement potentiel, et d’un territoire non suffisament protégé.

L‘achillée millefeuille, achillea millefolium

Connaissez vous l’histoire d’Achille? Ce demi dieu, guerrier invincible, qui avait été trempé dans un chaudron d’achillée par sa mère lorsqu’il était bébé. Il pansait ses plaies avec l’achillée. Seul un talon était sa fragilité. Révélée à Paris, ce point faible lui a été fatal. Que tirer de cette histoire? Cette plante est une adventice magnifique qui pousse dans nos pelouses. Elle est très aromatique, et son goût est amer. Elle a des vertus cicatrisantes, hémostatiques, digestives, anti-inflammatoires. Elle permet de rassembler les fluides, de limiter les dispersions, de rester centrer, pour affirmer sa place, et rayonner. Il suffit de regarder sa feuille magnifiquement découpée, et sa fleur, très solaire, fièrement dressée sur sa tige. Son huile essentielle a la particularité d’être d’un bleu intense, en raison de ses chamazulènes. Sa qualité vibratoire en élixir floral, est de se protéger, comme un bouclier, des énergies guerrières et néfastes.

En tant qu’accompagnatrice des êtres, et par expérience personnelle, j’ai compris que les efforts de clarification, de communication, d’expression du plus profond, permettent d’établir des relations saines avec soi même, et avec les autres. J’ai pris le temps pour apprendre à clarifier mes besoins, à exprimer mes limites, à prendre ma place. J’ai découvert dans le conflit intérieur et dans le conflit avec autrui, une plus grande conscience de moi même. J’ai appris à donner de la tendresse aux parts blessés de mon être, et à les regarder avec humilité. On fait ce qu’on peut, avec ce qu’on est dans l’instant présent ! Et je sais que sur le chemin de ma vie, je trébucherai, je perdrai de l’énergie à gravir des montagnes sans sommet, je jouerai des scènes d’action qui ne sont pas les miennes. Néanmoins, je sais qu’en restant alignée, centrée sur ce qui résonne en moi, sur des valeurs fondamentales, je continuerai d’avancer. Je suis pleine de reconnaissance pour chaque personne qui, sur mon chemin, a éclairé mes pas, par la joie, le conflit, la tristesse, la colère, le dégout. Je sais qu’en nourrissant l’amour de soi, on peut nourrir l’amour de l’autre.

Toutes nos souffrances sont nées dans la relation et toutes peuvent espérer une guérison dans la relation”

Colette PORTELANCE.

Retrouvez une partie de cet article dans le prochain numéro du magazine ICI ET MAINTENANT – @icietmaintenantlemag – La magazine des défricheurs, transitions et alternatives

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Sources d’inspiration : la phytembryothérapie de Franck Ledoux, Gérard Gueniot – La relation d’aide, Colette portelance -Dominique Picard, Quête identitaire et conflits interpersonnels, Érès | « Connexions »
2008/1 n° 89 | pages 75 à 90