Faire de l’herboristerie un commeUN ! Hommage à Caroline Gagnon.

Publié le 12 juillet 2023 - Carnet d'humeur

Aujourd hui, je veux rendre hommage a Caroline Gagnon. Rendre hommage à quelqu’un, c’est saluer avec respect, proclamer hautement sa valeur, son mérite, la reconnaître avec gratitude et estime. C’est une définition parfaite pour décrire ce que je ressens pleinement. Elle était de passage sur Nantes, avant de repartir vers son Canada natal. Nous avons passé une journée merveilleuse de partage, de rire, de ressentis, de soutien mutuel, d’envie de voir l’herboristerie vivante et rayonnante.

Pour moi, l’herboristerie est plus qu’un métier : c’est une passion qui s’immisce dans tous les aspects de nos vies. Être herboriste, c’est d’abord et avant tout désirer entrer en relation avec les plantes et le monde naturel. Caroline Gagnon

Faire comme UN – Prendre soin du groupe et de la communauté
On dit souvent que derrière chaque grand homme, se cache une femme. Souvent les peurs s’activent, quand la femme rayonne sans homme. Quand la femme met en place ce que les hommes ont rêvé tout bas. C’est dans sa force créative et intuitive, que Caroline trouve son inspiration et passe à l’action. C’est notre Marie Curie de l’herboristerie. Depuis 30 ans, elle expérimente. Elle observe, elle soutient, elle accompagne, et elle teste. Ses études modernes, et  sa connaissance de l’humain lui permettent de récolter des résultats probants pour accompagner les maux. Elle a l’art et la manière de trouver les mots justes, la plante qui saura réparer le fractionnement. Elle tâtonne, elle observe, elle réajuste. Elle se passionne pour le système lymphatique, le système nerveux, le système hormonal. A chaque bouffée de chaleur, c’est l’herboristerie qui s’évapore de ses pores. Des sensations intimes du Vivant, et du mycélium de la vie. Une conscience cellulaire de la diversité, de la complémentarité.

Pour moi, l’herboristerie est plus qu’un métier : c’est une passion qui s’immisce dans tous les aspects de nos vies. Être herboriste, c’est d’abord et avant tout désirer entrer en relation avec les plantes et le monde naturel.

Caroline Gagnon

Une créativité qu’elle partage dans son école floramedicina, avec ses élèves. Une reliance qu’elle prend soin de diffuser aux autres femmes vibrantes et inspirantes de son environnement. Dans son école aujourd’hui, 12 enseignants composent la symphonie de son équipe. Chacun.ne partage la passion de l’herboristerie, des valeurs communes de l’amour des plantes et de l’homme, à travers des approches techniques, scientifiques et subtiles complémentaires. Son ambition est de redonner sa place à l’herboristerie dans notre société. Elle rend visible, l’invisible. Et célèbre la sagesse des mamans, des matantes, des grand-mères dont le rôle est d’envelopper de douceur, de prendre soin, de rassurer et d’encourager. Des femmes médecines, thérapeutes, soucieuses de la guérison des âmes, des lignées, autant que des corps. Ne croyez pas que l’homme est exclu de cette danse. Il est incarné par Patrick Gravel, dans son module sur le vivant. Homme empli de sagesses, et de transmissions de savoirs autochtones, qui incarne sa part féminine aux côtés de sa part masculine. N’est ce pas là, l’équilibre et le processus du Yin et du yang en médecine chinoise ?!

Il fut un temps où l’on retrouvait un.e herboriste dans chaque village. Je vous encourage donc à devenir l’herboriste de votre village ou de votre quartier: peu importe la forme par laquelle votre pratique se déploiera! 

Souvenirs, souvenirs dans l’hélychrise des dunes


J’avais envie d’emmener Caroline dans la forêt qui a inscrit ses empreintes dans mes cellules. La forêt de Mont, en Vendée. De lui montrer le commun, et les valeurs militantes qui ont construit mon besoin de prendre soin des autres. En 1971, année de ma naissance, l’acvtla naît, elle aussi. Elle ouvre en 1972, le camping du grand Corseau. Mon père, militant syndical, a participé à ce nouveau concept du tourisme social et solidaire, avec l’association tourisme et travail. Des espaces de détente mutualisés, mis à disposition des ouvriers de France par leurs comités d’entreprise. Ma mère, mes oncles, mes tantes, mes grand-parents ont travaillé, séjourné, et profité de cet hâvre de paix, l’été. Toujours bercés par des rêves communs de partage, d’université populaires, de valorisation du territoire, de son folklore, de sa langue. J’y ai découvert le macramé, le tissage de perles, la poterie, les danses bretonnes, les chansons enfantines ! Ce camping a été la rampe de lancement, d’artistes engagés, militants, comme les comédiens du théâtre de la chimère. La bibliothèque, fraiche, sous la pente de la salle d’activité, y était centrale, avec ses livres aux odeurs d’ancien. Un lieu d’exploration, de partage, d’actions, de réunions, de conférence et de débats. Plaçant les campeurs au centre de leurs aspirations, comme des êtres citoyens, libres penseurs.

 L’Association des centres de vacances des travailleurs de Loire-Atlantique (ACTVLA) naît en juin 1971, avec pour but le développement, la défense des loisirs et le droit des salariés et de leurs familles à des vacances de qualité.

Nous avons foulé les aiguilles de pins, senti la résine, et je me suis enveloppée du parfum de l’helychrise des dunes. Des tapis d’hélychrise stoechas, parsemés de chardons, foisonnant de bourdons. C’était un moment magique. Au fil de notre chemin, nos pieds se sont enfoncés dans le sable. Et nos corps denses se sont laissés porter par l’eau salée de l’océan atlantique. En esquivant au passage,les petites méduses cachées dans les longues algues brunes. Sous fond de nuage gris, les couleurs de l’herboristerie se sont révelées de plus en plus vives. Comme un rappel fluorescent de l’urgence à sortir de l’ombre et à éclairer ces pratiques. Cet  instant suspendu se diffuse encore dans mon sang, dans ma lymphe, pour envahir le noyau de mes cellules, et faire danser mon adn ! Comme une chorégraphe, Caro orchestre ces chaînes tourbillonantes de la vie, ces spirales d’énergie en chacune de nous.  Ensuite, nous sommes allées magasiner a Noirmoutier. Dans une petite librairie près du château que je vous recommande. Mon coeur s’est laissé attirer par petite philosophie des oiseaux, de Philippe Dubois et Elise Rousseau.

Célébration des artisans de la terre et de la mer

Le passage du Gois, cette route submersible a poursuivi la magie du moment, notre chemin iniatique. Les familles, toutes générations confondues, marchaient gaiement vers les huîtres, les bigornaux, les moules et les palourdes, a la marée descendante. Devant les yeux écarquillés de Caroline, je réalise à quel point ces images sont familières pour moi. A la sortie, une pancarte nous indique les jardins de la cure, a Beauvoir sur mer. Nous bifurquons et nous osons une visite inopinée. Quelle merveilleuse idée ! Sylvia Hirch nous accueille a bras ouvert. Sur ce polder, cette terre gagnée sur la mer, son  mari cultive les céréales. Sylvia embellit le lieu par ses plantes aromatiques et médicinales. Il faut croire qu’elle est tombée dedans quand elle était plus jeune ! Dans son alambic, elle distille les plantes cultivées. Elle expérimente, elle tâtonne, elle teste. Formée en aromathérapie et hydrolathérapie par Lydia Bosson, elle propose ses hydrolats et ses huiles essentielles dans sa boutique attenante à la maison. Nous sommes venues au moment de la distillation de la cataire. L’essence de la plante, visible à l’oeil nu, qui progressivement se détachera de l’eau florale.

Idéale pour prendre soin des peaux mixtes à grasses et/ou matures. Rafraîchissante, astringente et apaisante, elle tonifie la peau. Elle possède également des propriétés antivirales, digestives, sédatives et antispasmodiques, et peut être utilisée en cas de fièvre ou de bouffées de chaleur.

Nous traversons le hangar où le séchoir regorge de toute la palette arc en ciel de fleurs : camomille,bleuet, mauve,calendula, guimauve … Au dessus, j’observe le ballet de l’hirondelle, qui nourrit les 3 becs ouverts qui sortent du nid bien bâti. Des fondations solides permettent la pérennité des choses. Et cela prend du temps ! Je suis heureuse de découvrir et goûter le shiso vert et pourpre, dont l’odeur ressemble au patchouli. Un peu salé et fumé à la fois. Elle m’indique l’ancrage, la sécurité, l’harmonisation du 1er chakra.

Le Shiso est une Lamiacée originaire du Sud Est de l'Asie, on l'appelle également "Basilic Japonais", où elle est utilisée en cuisine notamment. Elle est aussi une incontournable des médecines traditionnelles japonaise et chinoise. Des cérémonies de récolte (Japon), ou encore le fait de la planter proche de sa maison (Taïwan) montrent son importance symbolique.
 Le Shiso est aussi une plante qui appelle au calme intérieur, à la détente. Elle aide à purifier et calmer le mental, alliée précieuse lors des phases d'évolution personnelle, où l'on a besoin de déconstruire les limites et les schémas répétitifs que l'on s'auto-inflige - Plantes et potions.com

Elle nous présente Florence, partenaire de terrain, et compositrice associée des tisanes des jardins de la cure. Un partage essentiel face au dur labeur de la terre compacte et argileuse, des heures d’inquiétudes à guetter le ciel, à surveiller la floraison, pour ne pas louper une cueillette de qualité optimale. Sur la route du retour, une chouette bicoque de vente de sel, nous a arrêté. Ce paludier passionné prend le temps d’expliquer à chacun, les différentes phases d’entretien des oeillets, l’évaporation du sel, la récolte de la précieuse fleur de sel. Caroline se relie à l’artisan, au passionné, et honore son travail, sa valeur, par l’achat de ses produits. Tout est encore question de reliance, de reconnaissance du vivant et du commun.

Plumage d’éclipse et transformation
Rien n’arrive au hasard dans nos parcours. Caroline réactive en moi, cette étincelle et cette joie d’être herboriste thérapeute. De percevoir en moi et autour de moi, les liens de complémentarité des femmes. Souvent invisibilisée, au profit des hommes.
Il y a 7 ans, mon stage dans les jardins de floramedicina a continué de transformer ma vie. Je vivais mon plumage d’éclipse. Une phase de perte et de changement de plumes pour les oiseaux, joliment décrite ici.

Chez l’oiseau, l’époque du changement de plumage est une période de fragilité. Parfois, il ne peut plus momentanément voler. On dit qu’ils sont en plumage d’éclipse. Une jolie expression pour désigner ce moment où l’oiseau se met un peu entre parenthèses, attendant la repousse de certaines plumes essentielles. Il se sent fragile, il se fait discret, n’engage rien d’important. Il prend patience. Il attend que le renouvellement s’opère, pour recouvrer toute sa force, toute sa beauté. Petite philosophie des oiseaux

J’étais dans toutes mes fragilités, en accompagnant ma mère dans sa fin de vie. Une étape douloureuse faites d’impuissance, de résignation et de chagrin. En quittant le Canada, je la retrouvais dans l’étape la plus dure de  sa vie. La perte de contrôle, par cette tumeur qui après 5 ans de combat, envahissait son corps. Invalidée, alitée, elle a continué a nous soutenir pour la soutenir. Elle nous fait lire des témoignages d’handicap pour transmettre sa souffrance et nous aider à développer de l’empathie pour elle. Elle a partagé ses meilleurs morceaux lyriques avec ma grand-mère. Elle a encouragé nos balades, nos rêves, nos chemins. Elle nous fait promettre de vivre dans l’amour et dans la joie. Elle a lutté contre ses démons, ses peurs. Après voir honoré chacun, elle s’est résignée a accepter la mort, pour s’éteindre a 65 ans,  fin octobre 2016, enveloppée de notre amour. Je célèbre ma mère, et ce temps de deuil si important à s’offrir, pour accueillir la perte d’un être cher.

Merci Caroline Gagnon d’être cette merveilleuse et précieuse perle de nâcre !

Dans ma tristesse et mon chagrin, je n’ai pas pû honorer comme je l’avais imaginé, mon stage au Canada. La venue de Caroline vient réactiver ce besoin de remercier et de reconnaître ses transmissions. 7 ans après, comme un cycle qui se termine, je laisse place à la naissance d’un nouvel être. 

Merci à toi d’avoir éveillé mon coeur de femme à plus de bienveillance et de compassion.

Merci de m’avoir transmis que je ne suis pas le trauma, et que j’ai la force de tisser la vie qui me ressemble.

Merci de me rappeler quelle belle femme thérapeute je suis, et l’importance de mon rôle pour ma communauté.

Merci de m’avoir enseigné la pleine conscience somatique, et la résonance de mes émotions sur mon corps.

Merci d’avoir bâti les bases d’une éthique et d’une déontologie  solide pour accompagner les personnes fragiles et vulnérables.

Merci Caroline d’être là femme vivante, vibrante :  l’enseignante, la mère, la fille, la soeur, la matante, l’amoureuse des plantes, la chercheuse, la bâtisseuse.
Merci d’occuper la place souvent inconfortable et « ingrate » de pionnière.

Tu es celle qui prépare et fertilise les sols, pour favoriser la joie d’accueillir la diversité.

Humble et discrète, bienveilleuse et bienveillante, tu as le souci des plantes et de la communauté. Tu honores l’artisan, celui qui fait de ses mains, le caramel, le sel, la robe de lin. Tu ressens l’urgence d’agir ensemble pour la préservation de notre terre et de l’humain. Tu nous invites a moins d’ego et plus de comme UN.