En discutant avec d’autres herboristes, nous nous sommes interrogés sur cette notion de lien au Vivant. Est ce assez intelligible pour tout le monde ? Quelles formes ce lien au Vivant, prend il pour chacun de nous ? Peut on être relié au Vivant, alors que nous vivons en ville, et non en pleine nature ? J’ai donc décidé de lire, d’écouter des experts, et d’écrire ma vision du lien au vivant.
La nature : source d’ancrage profond dans l’instant présent, et dans le cycle de la vie
Revenons à la source des mots, et essayons d’en comprendre leur sens premier : La définition de Nature – le mot vient du latin natura, qui désignait « le cours des choses ; le caractère naturel, la constitution, la qualité ; l’univers » et littéralement « naissance ». Le terme vient lui-même du verbe nascor (« naître »).
Etre présent dans son environnement, permet de lacher les sur stimulations du quotidien. Pour bon nombre d’entre nous, aller se promener en pleine nature, est une pratique qui purifie le corps, l’oxygène, lui apporte de la fluidité, le mouvement, lui permet de se débarrasser du superflu, le ramène dans l’équilibre. Vous avez tous fait l’expérience de cette plénitude, après une bonne marche en bord de mer, ou en forêt. Vous ressentez un état de satisfaction intense, presque de béatitude. Après l’euphorie provoquée par l’adrénaline et la noradrénaline, vous ressentez l’effet de la dopamine et de la sérotonine. Des hormones responsables de votre équilibre intérieur, et source de bonheur, de sentiment de bien-être. Vous réalisez que vous ne pensez plus à rien, que votre bouche est entreouverte, que votre corps s’est étalé comme un caramel mou au soleil. C’est le lieu idéal pour se défouler, pleurer, crier, mais aussi méditer, prendre du recul, développer sa créativité.
En forêt, les effets sont augmentés par les terpènes. Nous respirons ces molécules sécrétées par les arbres, qui réagissent sur le champ avec notre système immunitaire, en renforçant les défenses de notre organisme. C’est l’expérience du bain de forêt, du shirin yoku, institué au Japon, comme médecine préventive. A cela s’ajoute l’atmosphère feutrée du bois, la tranquillité de la nature, la gamme des verts, l’ambiance sonore des oiseaux et autre animaux.
Se relier à la nature peut être une initiation sacrée
Relier, éthymologiquement, est pour Augustin *, la racine du mot Religion. Dans sa définition, » la religion est comprise comme relecture en soi est en même temps relation à Dieu, à ce titre elle peut se concevoir comme un exercice spirituel ou une méditation intérieure. « .
C’est une source d’émerveillement, de contemplation, de méditation sur la beauté et l’harmonie du monde. La nature devient alors une initiation. Les soufis disent , qu’il y a des signes pour ceux qui comprennent. Juste s’ouvrir à eux avec humilité. La nature nous offre un retour à l’essence, à un état naturel de transcendance. La médecine chinoise et le taoisme, s’inspirent des flux et reflux de la vie, des cycles, des variations selon les saisons, selon la position de la lune. Ils inscrivent la vie dans cette grande roue dynamique du yin et du yang. Dans lequel chaque principe trouve sa racine en l’autre.
Dans cette nature, s’opère la reconnaissance d’une dépendance de toutes les parts du règne du vivant: végétal, minéral, animal, humain. Nous sommes tous reliés. En prenant soin de nous, on prend soin du tout. Les indiens sioux disent « Mitakuye oyasin » – Tout ce que nous faisons, disons, a un impact sur le monde. En permaculture, le travail de la terre devient un projet d’abondance pour toutes ces parts du vivant. Chaque être vivant joue un rôle complémentaire : Le rôle des arbres – filtrer l’eau dans le sol, héberger des oiseaux, créer de l’humus, faire de l’ombre. Le rôle des animaux – tondre low tech, fumier pour le potager, compagnon de travail du sol. Le rôle de la mare – drainer les cultures, recueillir l’eau, accueillir la diversité.
La nature, modèle de résilience
Se relier à la nature, devient un projet de société. Celui de s’inscrire dans un territoire, dans un site, qu’il faut apprendre à connaître, et à valoriser. Cela implique de s’entourer pour la conception du projet, d’écouter les sagesses et l’expérience des anciens. De travailler avec les autres, de s’inspirer, pour créer une nouvelle abondance. De contourner les difficultés du terrain, pour trouver des solutions naturelles. Janine Benyus, en 1997, invente le concept de biomimétisme. Elle nous rappelle que contrairement à l’image que nous nous faisons de la « loi de la jungle », la nature ne pratique la compétition que dans 10% des rapports entre organismes : Les 90% restant sont fondés sur la coexistence, le mutualisme, le commensalisme, le parasitisme, et la symbiose. La coopération, la gouvernance partagée, l’intelligence participative deviennent les modèles humains de cette complémentarité.
Sources d’inspiration : Odile Chabrillac, âme de sorcière, ou la magie du féminin – Shirin yoku, l’art et la science du bain de forêt, Dr Qing Li – Sacha Geguan, penser son projet en permaculture.