Juste un regard, et tout bascule – Les armes de la colère et du désespoir

Publié le 28 septembre 2021 - Carnet d'humeur

Parce que l’autre en face est incapable de raisonner. Qu’il est sous l’emprise de sa colère. Il prend son arme, plante son couteau dans le pied, ou passe à tabac, le jeune qui l’a mal regardé. Malheur a celui qui a croisé son chemin, et sa décharge d’agressivité. Malheur au père et au frère qui se déplaceront en pensant régler l’affaire. Ils éviteront la balle, la mort … et le cycle de la vengeance s’enclenchera immanquablement. Du jour au lendemain, c’est le basculement. L’honneur du clan, l’orgueil des coqs, la cohésion de la bande … et la sécurité des familles est menacée ! Du jour au lendemain, vous retrouvez les meubles de cuisine sur le trottoir. Vos amis ont disparu, a fuit pour protéger leur intégrité, et être en sécurité. Un triste recommencement de l’histoire, d’une vie déjà fuie, sous les exactions de groupes extrémistes en Algérie. Heureusement … c’est que cette famille unie et soudée dans l’épreuve. Ils se serrent les coudes, desserrent les mâchoires, et gardent espoir. Ils sont l’incarnation de la résilience. Une transformation des épreuves, en expérience, et en obligation et opportunité de changement.

Mais jusqu’à quand ce cycle infernal de violence continuera t’il ?! Comment mettre nos enfants sous protection quand ils croisent des bombes à retardement dans le centre commercial ? Comment ces jeunes en sont ils arrivés à cette explosion qui les dépasse ? De vraies grenades, dégoupillées, prêtes à exploser !

Alors que les médias braquent leurs projecteurs sur le covid, les familles espèrent échapper à la balle perdue, ou au couteau. La recrudescence d’armes dans les foyers n’est plus le privilège des Etats Unis. Ouvrez vos yeux ! Et prenez conscience que ces armes sont entre les mains d’enfants perdus, blessés, meurtris, traumatisés, par la société. Les barons de la drogue ont infiltré certains quartiers, et ont pollué l’espace de sommes colossales. L’omerta, la loi du silence règne pour qui oserait dénoncer, porter plainte. La solitude face à l’injustice, face aux fours, engendre l’implosion des voisins. Le ras le bol. Comment faire preuve d’empathie pour ces jeunes désoeuvrés, qui ont comme tout être humain, besoin de cadres clairs, et de limites – besoin d’amour, de reconnaissance, de respect, et d’espoir !

« Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ! » proverbe africain

Rouge colère. Cette rage qui habite les plus pauvres, les oubliés, les invisibles. Quand on leur donne la parole, elle est criante de vérité, de blessures, d’injustice et d’humiliation. Tellement forte, qu’il est parfois difficile de l’entendre dans son état brut. Elle nous éclabousse, nous rappelle nos privilèges, notre confort. Et vous réalisez que payer pour jeûner, est une lubbie de riches. Car dans ces quartiers, certaines famille vivent d’eau sucrée pour tenir le coup, et faire des économies. Vous réalisez qu’être aimé, choyé, sécurisé, n’est hélas pas donné a tous. Et que dés le plus jeune âge, il faut apprendre a survivre, a se protéger des agressions, a hurler pour être vu. Mais jamais entendu dans son identité profonde. Dans sa sensibilité, son intelligence, son expertise du quotidien et de la survie.

Les marches blanches s’organisent régulièrement pour dénoncer cet engrenage rouillé, coincé sur la haine, le mépris, et l’injustice. Un regroupement ponctuel pour s’entraider et se soutenir dans l’insoutenable. Les écoles dénoncent le manque de moyens. Les budgets sur l’éducation deviennent dérisoires au profit de budget sur l’armement et la sécurité. Les mamans solos, les papas dépassés, auraient besoin d’espace de parole, d’écoute, et d’aide pour protéger et sécuriser leurs enfants. Ce sont leurs corps qui réagissent, en sombrant dans l’addiction, dans la dépression, ou dans l’abandon.

Heureusement qu’ils peuvent compter sur les associations sportives, culturelles, artistiques ! Elles oeuvrent dés le plus jeune age pour prévenir ces déviances : Boxe, dubble dutch, jardinage, fitness, maraudes… Exiger le pass à l’entrée du gymnase, des centre socio-culturels, des espaces de convivialité est complétement décalé dans le contexte actuel ! Exigez plutot la bonne humeur, le vivre ensemble la cohésion !

Nous avons tant a apprendre de ces invisibles, modestes, humbles, coupables d’exister. Souvent ils se débattent sous l’orage comme des enragés, pour braver les vagues. Ils sont parfois submergés par des tsunamis, des lames de fond qui les emportent dans les profondeurs. Quand ils ont la chance d’en réchapper sans trop de séquelles, de tourner la page de leur colère, ce sont de merveilleuses coccinelles qui prennent leur envol, pour entraîner avec elles, des nuées de gosses, de parents, d’habitants dans leur sillage. Une solidarité au service des plus faibles et des plus marginalisés. Pour ne pas oublier leur humanité. 

En tant qu’herboriste, éducatrice, citoyenne, mes actions sont dérisoires. Il y a quelques années, je me suis éloignée des quartiers pour me protéger, et retrouver de la vitalité. Je me suis reconnectée à la nature, je me suis centrée sur mes projets, sur ma famille. Je suis revenue ponctuellement dans les centre socioculturels, accompagner les parents, les grand parents, pour plus de bien-être.

Mais aujourd’hui, le boomerang me revient en peine face. Le destin chamboulé de mes voisins m’interroge et m’attriste. Je pleure d’injustice, je rage intérieurement. Je m’insurge contre cette société à 10 vitesses, qui laisse derrière elle des invisibles ! J’ai envie d’hurler ma douleur, et de secouer le panier, pour qu’on se mobilise. Ensemble on va plus loin ! Cela signifie avec tous les pans de la société, dans le vivre ensemble, sans laisser de wagon sur le côté ! Que les plus riches activent leurs réseaux pour prendre ces jeunes en stage, pour leur offrir d’autres horizons, pour ouvrir leurs cœurs à d’autres réalités ! Que les collectivités et financeurs, reconnaissent le travail des associations, qui tissent une toile vertueuse, pour les parents et les enfants dans les quartiers. Qu’elles reconnaissent et valorisent le travail des instituteurs, des animateurs, des éducateurs, des bénévoles, qui oeuvrent au quotidien pour offrir plus de confort et de sécurité à chacun.

 » Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires, vous retrouverez ma bien-aimée; il n’est de vrai que l’amitié et l’amour.«  Julos Beaucarne