“Faire le plein” est une opération qui se conçoit sans difficulté : il suffit de passer à la pompe, à la condition toutefois que la pompe en question ne soit pas une pompe à vide. Mais “faire le vide”, qu’est-ce faire ? Ou qu’est-ce cesser de faire ?
Dans le mot Vide, il y a la vie et de. Pourtant, notre première impression à l’écoute de ce mot, est de se trouver face à un trou, à un espace sans matière, un vide abyssal, voire au néant. Face à la page blanche de l’écrivain, qu’il faut remplir à tout prix de mots, ou à la toile blanche de l’artiste qu’il faut remplir de couleurs. Le vide amène cette injonction de faire le plein, d’être actif, et rentable pour la société. Comme ces emplois du temps d’enfants modernes, remplis d’activité sportives, artistiques, intellectuelles, pour ne pas faire face à l’absence et au rien. Dans ce contexte, l’ennui, la contemplation, et la rêverie peuvent devenir source d’angoisse et de peurs.
L’alternative serait de voir le vide comme une expérience, un dialogue, un manifeste.
François Cheng dans ses ouvrages Vide et Plein dans la peinture chinoise et L’espace du rêve, montre que la plage de blanc, de nuages au milieu du tableau manifeste la présence du vide, nécessaire pour que la montagne discute avec la rivière, pour que l’arbre dialogue avec l’homme, pour que celui qui regarde voyage à l’intérieur du tableau différemment chaque jour.**
Dans l’expérience du covid, un temps de suspens s’est imposé à moi. Le corps était en incapacité de remplir, de réfléchir, de se mouvoir normalement. Il s’est mis en pause, en réactualisation, pour formater et nettoyer mes cellules au plus profond. C’est dans la reprise de mes activités, que je réalise à quel point ces moments ont été propices pour faire le point, revenir à l’essentiel, et laisser émerger ma créativité. L’hiver est le temps de la dormance, de l’hibernation, des retrouvailles avec ses proches au coin du feu. La médecine chinoise relie cette saison à l’élément de l’eau, fondamentale à l’essence même de la vie. Les Reins sont les organes reliés à cette source, que l’on appelle le « Ming Men ». Comme une étincelle qui permet de démarrer votre voiture. C’est un feu intérieur qui réchauffe vos organes, et permet de faire circuler la vie. Une condition sinequanone à notre fertilité, à notre libido, à notre volonté. Ming Men est la demeure du Jing – 精 (Essence) et du Shen – 神 (Esprit) ; chez les hommes, elle stocke le sperme, chez les femmes, elle est reliée à l’utérus. » ***
Et si cette période m’avait été offerte pour me poser, et m’interroger sur l’essentiel . L’importance de l’écoute de mon corps, de mes relations aux autres, de nourrir mon monde intérieur et mon lien à l’Universel. L’intention de laisser émerger l’étincelle avec la volonté de faire fleurir ma vie !
Le vide est la condition d’accès à cette nature essentielle. Si l’on est capable d’établir une relation avec l’autre, de le laisser prendre sa place, c’est grâce à ce vide, condition de l’amour, de l’amitié, de la relation thérapeutique, mais aussi, en soi-même, fondement du dialogue intérieur.**
En Médecine chinoise, cette notion de vide s’associe à la notion de « non agir ».
« Le non-agir, c’est le respect de l’ordre naturel. Les êtres agissent spontanément, car il ne convient pas d’interférer avec le cours des choses », dit Claude Larre. Ainsi, il ne s’agit pas d’imposer sa volonté propre, mais de laisser émerger ce qui demande à émerger.**
Une dose quotidienne de solitude et de silence sont indispensables à la bonne santé de l’âme et du corps. Dans la relation d’aide, cela passe par une écoute active, l’attention aux mots de la personne accompagnée, la reformulation, et les silences. Pour laisser émerger la conscience des faits, du corps, et permettre d’enclencher des processus d’auto guérison. La qualité de la relation thérapeutique, permet alors au client de réaligner l’ensemble de ses vies personnelles et professionnelles avec cet état intérieur, totalement personnel et fondamentalement originel. Les personnes sont souvent surprises de découvrir qu’elles ont déjà les réponses en elles.
Considérez par exemple que tout ce que nous percevons comme du vide ou du néant constitue en fait la source originelle d’où émerge tout le reste et vers laquelle tout retourne. En réalité, l’espace soi-disant vide et le silence universel sont l’équivalent de nos fleuves et océans perçus comme infranchissables alors même qu’ils sont la source de toute la vie environnante. *** Alain cardon, MCC
Alors réfléchissez à la dernière fois, ou vous vous êtes trouvés dans le « non agir » ? Accueillez vous le vide et le silence dans votre quotidien ? Vous autorisez vous des plages de vide dans vos vies ?
Si la réponse est « il y a longtemps » …
je vous invite à en programmer, à libérer des espaces blancs sur vos agendas, pour laisser émerger la simplicité, et la profondeur de votre être.
Sources d’inspiration : *https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/que-veut-dire-faire-le-vide – ** https://lemondeduyoga.org/la-vie-du-yoga/le-vide-dans-la-tradition-chinoise-et-la-vie-quotidienne/ – ***https://dietetiquetuina.fr/14134/le-point-ming-men-du-vaisseau-gouverneur-4vg/