Baobab : La tête à l’envers et les racines dans le ciel

Publié le 25 avril 2021 - Carnet d'humeur, Sylvothérapie

Le baobab, arbre emblématique du Sénégal (Adansonia digitata) et de Madagascar me fait rêver depuis mon enfance. J’ai grandi à la Cité Radieuse, immeuble conçu par Le Corbusier, à Rezé. Dans cet habitat, des espaces partagés étaient conçu pour y faire vivre des clubs, accessibles à tout habitant, et géré bénévolement par des habitants. Chaque semaine, nous allions dans cet appartement bibliothèque, farfouiller, et prendre de nouveaux livres, pour enrichir notre univers onirique. St Exupéry a fait partie de ces livres initiatiques, ou vous ne comprenez pas tout, tout de suite. Vous vous plongez dans un monde étrange, vous regardez les illustrations avec vos yeux d’enfants. Plus tard, vous comprenez plus de subtilités et de messages cachés, sur l’amitié, prendre soin de la planète, le non jugement … Le Petit Prince est sans nul doute, le livre qui a fait que plusieurs générations de « petits blancs », connaissent le Baobab. Comment cet arbre peut il être si vieux, si grand, si large, au point qu’on puisse y creuser pour laisser passer une route, un chemin !

L’arbre à Palabres « La sagesse est comme un baobab : aucun individu ne peut l’embrasser ». dicton togolais

Cet arbre emblématique est connu de tous, et visible de loin. Pour toute négociation, discussion, rencontre, le baobab est le point de rendez-vous. C’est comme la café en face de l’église, le flamboyant au mileu de la forêt amazonienne, ou le chêne au milieu du champ. Un temple, un repère partagé, une zone d’ombre et de lumières. Un endroit qui abrite les esprits, le sacré, qui attire autant qu’il fait fuir. C’est l’arbre à palabres : ces assemblées traditionnelles ou toute la communauté, et ses représentants, se réunissent pour échanger des informations et prendre des décisions. C’était aussi la salle de tribunal coutumier, ou la justice tranche et arbitre. Aujourd’hui, dans le langage français, la palabre, est plutot de note péjorative : Discussion longue et oiseuse qui n’aboutit à rien de positif (Larousse) . Qui sommes nous pour juger ?

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On se rencontre, on écoute le griot à l’ombre du baobab : « l’arbre à palabres » est un lieu central dans la vie sociale du village. Gardien de la vérité, il est utilisé comme « détecteur de mensonges » : lorsqu’une de vos paroles est remise en doute, jurez sous le baobab ! Il est également au cœur de rituels concernant la naissance ou la mort, ou de rituels pour faire venir la pluie ou encore pour qu’une femme qui n’arrive pas à avoir d’enfant tombe enceinte* tibahou.com

La tête à l’envers, les racines dans le ciel !

En vérité, le coeur des hommes est semblable à celui de cet arbre prodigieux : empli de richesses et de bienfaits. Pourquoi s’ouvre-t-il si petitement quand il s’ouvre ? De quelle hyène se souvient-il ?**

Jamais je n’aurai imaginé que j’en verrai un jour ! Mon mariage avec Fode, m’a emmené vers cette contrée lointaine du Sénégal. La rencontre avec le continent africain a été pour moi, une révélation. D’autres modes de vie, d’autres réalités, d’autres saveurs : une simplicité et une authenticité dans les relations. Un rapport aux rondeurs du corps pleinement assumé par les femmes, et arboré de milles couleurs. Des parfums, des goûts, des textures, des sensations nouvelles. Mon rapport au temps, à la ponctualité, aux engagements, a été chamboulé. J’ai appris à patienter, et à regarder s’écouler chaque grain de sable dans son sablier. J’ai découvert la spiritualité dans chaque famille, chaque maison, chaque coin de rue, chaque car rapide, dans le quotidien et la joie. Tous mes repères étaient sens dessus, dessous. A l’image de ce Baobab : la tête dans la terre, et les racines dans le ciel !

C’est un arbre si inhabituel que des légendes racontent la façon dont il a reçu son nom. Une histoire nous dit que quand Dieu a créé le monde, il a donné un arbre à chaque animal. Il a donné le baobab à une hyène, qui était tellement stupide qu’elle l’a planté à l’envers ! *

Dans cette terre africaine, mon cœur s’est ouvert, a déposé ses craintes et ses freins, pour naitre et être autrement. De jeune femme, je suis devenue mère. Graine cachée au fond de ma matrice, Adama a pris l’avion en toute clandestinité !

L’arbre et son cycle ont de tout temps inspirés la symbolique du cycle de la vie terrestre. La graine qui donne naissance, la croissance, l’explosion florale, le dessèchement avant la phase de repos végétal apparent sont à l’image des différentes phases de la vie humaine et les êtres humains ont su utiliser l’arbre ou certains de ses constituants pour symboliser un sentiment ou une qualité humaine. Pour certains auteurs, l’arbre est d’essence féminine. On lui associe l’acte sacré qui assure, depuis le fond des temps, la chaîne de la vie : l’acte de porter fruit.***

L’arbre bouteille

Historiquement, la présence d’un grand baobab est le signe qu’à cet emplacement, la nappe phréatique est peu profonde et qu’un puits peut être creusé à proximité. Les villages se sont souvent créés autour des grands baobabs. Cette image de l’arbre bouteille est dû au fait qu’il n’a pas de feuilles durant la majorité de l’année. Ses branches nues ressemblent à des racines qui se dressent dans les airs. Son tronc est bombé, pour capter les moindres gouttes d’eau, d’évaporation, et la concentrer dans son corps spongieux. Le baobab africain est une espèce unique par la manière tout à fait singulière dont son tronc évolue au cours de la croissance : ce dernier résulte en effet de la fusion de plusieurs troncs organisés en cercle et laissant en leur centre une « fausse cavité », unique aux baobabs. Il n’attire d’ailleurs, pas que les hommes et les esprits. Oiseaux, lézards, singes et même éléphants, peuvent s’hydrater en consommant leur écorce quand l’eau vient à manquer.

Le pain de singe : interdépendance de la fleur et de la chauve souris

En été, des fleurs blanches pendantes, d’une dizaine à une quinzaine de centimètres de diamètre, apparaissent avec des anthères pourpres formant des touffes plumeuses.

Cette fleur ne dure qu’une nuit : elle s’ouvre à partir de 20h. Elle s’ouvre au crépuscule et la nuit, moment où la chauve-souris, en tant qu’animal nocturne, est la plus active. Eidovolon elvum, chauve souris endémique, a une très bonne vue, et la mobilité de ses pavillons indiquent une très bonne ouïe (pas d’écholocalisation), son odorat est très développé. La fleur possède un grand pouvoir d’attraction en exhalant un parfum fort et peu agréable pour l’Homme qui imprègne l’environnement. Il semblerait que ce soit essentiellement les mâles qui soient présents sur ce type de baobab : on peut faire l’hypothèse que le baobab mime des caractéristiques de la femelle Eidolon elvum (ex : les phéromones sexuels). La fleur présente une structure capable de soutenir l’animal et constitue un parfait point d’ancrage pour permettre à la chauve-souris de se nourrir du nectar riche en eau et en sucre. Le pollen de la fleur, porté par de très nombreuses étamines, s’incruste dans les poils de la chauve-souris et est véhiculé vers la prochaine fleur. La pollinisation est ainsi assurée, et la fructification peut commencer ! ****

Bienfaits du pain de singe

Par la suite, des fruits ligneux appelés pains de singe, ovoïdes de 20 à 30cm de long, se forment, renfermant de grosses graines noires entourées d’une pulpe blanche farineuse comestible, mais surtout consommée par les termites. Ce sont les fruits préférés des singes qui vivent dans cette région. Ces fruits sont riches en vitamine C, en sucre. C’est un fortifiant et revitalisant du sportif

il est utilisée contre la fièvre du paludisme, la diarrhée, ainsi que comme analgésique anti-inflammatoire. Les feuilles de baobab se consomment comme un légume ou un condiment, en cuisine, tout en étant aussi antidiarrhéiques et anti-inflammatoire. Séchées, elles ont encore des propriétés antianémiques, émollientes, antiasthmatiques et antirhumatismales.****

Vous pouvez accéder ici aux recettes du jus de Bouye ,ou de Ngalakh.

On le trouve aujourd’hui vendu dans les superaliments en magasin bio, en pharmacie. IL faut savoir que la ressource de Baobab n’est pas éternelle en Afrique et à Madagascar. Elle est menacée par la déforestation, par les récoltes intensives, et par notre consommation abusive de produits « magiques » venant d’ailleurs. Soyons responsables quand nous consommons le pain de singe. Comme l’ananas, l’avocat, l’huile de palme… Assurons nous que notre consommation n’appauvrisse pas les autres, et les sols. Pensons aux populations, qui elles, ont besoin de cette ressource de leur pharmacie locale. Nous avons plein d’autres alternatives dans nos terroirs, pour soigner nos diarrhées, ou nous recharger en vitamine C ;

Sources d’inspiration : tibahou.com* – lessymboles.com/le-tresor-du-baobab/** – telabotanica.org* – botanique.org** – chenobab*** – jardinage-lemonde.fr****