En énergétique chinoise, nous sommes à l’apogée de l’automne. Les feuillus perdent leurs feuilles, pour enrichir les sols. Les journées sont plus courtes. L’énergie est descendante. Nous entrons dans la phase du yin, plus intérieure, introspective. Les moissons sont terminées, la paille et le foin sont engrangées. Nous cueillons les derniers légumes de l’été, les mûres, les prunelles, et les transformons en boissons, confitures, sirops, conserves, lactofermentations.
Dans les marais d’Audubon à Couéron, nous observons la guimauve. Sur sa tige vert tendre fièrement dressée, à la base de larges feuilles arrondies aux bordures dentées, des fleurs blanches aux étamines pourpres ornent encore quelques pieds. Sur les autres, on peut observer les « fromageons », graines en forme de camembert, renfermant les futures semences des nouvelles générations. Je la présente à chacun comme la plante doudou. Il suffit de prendre une feuille, et d’en caresser son visage, pour réaliser sa douceur. D’ailleurs, sa racine pulvérisée est utilisée en cosmétique dans des lotions apaisantes pour la peau.
Elle fait partie de la famille des Malvacées, avec ses cousines les mauves, les hibiscus, les roses trémières. Elle me fait toujours penser à l‘enfance, et au besoin de sécurité, de sucions, d’objets rassurants pour pouvoir se séparer de ceux qu’on aime.
Il se trouve que le 18 Septembre est la date d’anniversaire de ma mère. Elle aurait eu 70 ans, si sa tumeur au cerveau ne l’avait pas emporté. Née après guerre, cette génération a souffert d’un manque de douceur et de tendresse. Et c’est sans jugement, et avec empathie que je peux en parler aujourd’hui. Pour se rassurer, cette femme déterminée et forte, collectionnait les mouchoirs en coton, pour les passer sur son visage, en suçant son pouce. C’était son doux secret ! Elle s’enveloppait de coton, quand elle mangeait ses oursons en guimauve, plein de sucre, et tellement bon ! Derrière son caractère bien trempé, sa franchise et ses mots tranchants, elle savait « être de la guimauve ». Elle absorbait les peines des autres, et faisait preuve de beaucoup d’empathie. Elle passait à l’action. Elle détestait l’immobilisme. Jusque dans ses derniers instants, elle a passé le témoin et a encouragé chacun à vivre, à devenir, à s’épanouir. Elle a réunit ses amis, sa famille, pour transmettre ses musiques, ses rêves, ses espoirs, et ses colères. Elle continue de vibrer à travers nous, dans nos balades, nos joies, nos peines. Et je suis heureuse de voir la guimauve aujourd’hui, comme source de Yin, de douceur, et de baume consolateur.
C’est aussi le souvenir joyeux des bâtons de chamallow, qu’on faisait fondre au bout de notre branche, sur le feu de camp. Je n’aimais pas vraiment le goût sucré qui sature les papilles. Mais c’était juste pour le fun et le partage du moment. Plus rien à voir avec notre plante. Et pourtant, elle est à l’origine de la recette, la racine mucilagineuse était la base. Elle a été remplacée par la gélatine, et le blanc d’oeuf.
En tout cas, vous l’aurez compris. Elle est très Yin. Elle a des affinités avec l’estomac, les poumons, et le gros intestin en cas de constipation (lié à un vide de yin)*. Elle contient en quantité importante du mucilage, une substance gluante qui se gonfle au contact de l’eau. Vous la trouverez dans la feuille, qui contient à peu près 30% de mucilages, et dans la racine qui en contient 40%.
Elle forme un gel interne, qui vient apaiser les inflammations. Elle favorise l’hydratation des muqueuses respiratoires, intestinales, urinaires. Elle apaise le feu de l’estomac (qui se manifeste par un grand appétit, une mauvaise haleine et les gencives enflées et douloureuses). C’est une des premières plantes à laquelle il faut penser pour les personnes qui passent des calculs urinaires; on la donne alors généralement en combinaison avec de l’eupatoire pourpre. ** Etrange… L’eupatoire se trouve elle aussi, dans les marais. Comme quoi, les plantes qui poussent localement répondent à nos besoins d’équilibre, en local. Pas besoin d’aller chercher des remèdes ailleurs. Juste d‘observer ce qui est autour de chez soi.
La racine était très utilisée pour calmer les poussées dentaires des nourrissons. On leur confectionnait des « hochets » avec la racine de guimauve, dans lesquels ils pouvaient mordiller, et apaiser la douleur.
**Poussée des dents chez les enfants : Parties égales d’eau de mauve et d’eau de guimauve, mêlées avec un peu de miel de Narbonne (I, 52) ; Décoction avec de l’orge mondé, les raisins de Damas, les figues grasses et la racine de guimauve (I, 52-53).
Pour faire mûrir et percer un abcès : morceaux de racine de guimauve et deux ou trois figues … de l’orge et de l’aigremoine… et le safran (I, 427) ;deux figues grasses, une racine de guimauve coupée par morceaux… une petite poignée de feuilles de mauve et une cuillerée d’orge… et le safran (I, 453) ;
L’utilisation un peu magique de la plante, la classait dans « les catalyseurs de pouvoir psychiques ». Autrement dit, elle favoriserait les voyages hors du corps. Peut être comme les voyages chamaniques proposés par l’ingestion de plantes toxiques. En tout cas, celle ci est inoffensive ! Elle vous invitera certainement à plus de créativité et d’inspiration.
***sa racine fraîche doit être brûlée sur un réchaud en terre, « pour exalter les pouvoirs psychiques, pour se mettre en état réceptif pour effectuer un voyage hors du corps ».
*** Pour Anne Mc Intyre, l’élixir floral adoucit les communications avec les autres
Fleur de la douceur. Comme toutes les malvacées, la guimauve aide à engendrer la chaleur et l’ouverture. Pour les personnes qui se sentent coupées, isolées, incapables de donner ou de recevoir quelque amitié ou chaleur. Ceci peut découler d’expériences antérieures qui ont engendré un manque de confiance. Pour ces personnes, il est difficile de se faire ou de garder des amis, de s’engager dans une relation. La guimauve et les malvacées adoucissent la communication
Les oiseaux symboliques du marais dAudubon, sont les cigognes. Elles occupent les lieux avec les hérons cendrés, les garde boeufs, les aigrettes.
Sources d’inspiration – * Anne Vastel et Sylvie Chagnon, médecine traditionnelle chinoise, plantes médicianles occidentales – ** Luminessens.org – Henri Lamendin auteur d’un article intitulé « Phytothérapie de Fauchard. » et paru dans les Actes. Société française d’histoire de l’art dentaire, 2011 – Éloïse Mozzani, Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes – *** Materia Medica, école canadienne foramedicina